Page 8 - Invention Magazine 197 - Concours Lépine
P. 8
2
Une femme engagée
Femme du XX ème siècle, Charlotte Perriand assiste aux
effets de la crise économique de 1929, la production
chute, le chômage augmente. Résolument engagée
politiquement, socialement et intellectuellement, cet
engagement s’exprime directement dans son travail et
dans ses projets et réalisations.
À l’époque, le mobilier design n’étant accessible qu’à
la classe bourgeoise, elle portait à travers ses dessins l’am-
bition de concevoir du mobilier qui serait accessible à
toutes et à tous. En 1929, Charlotte participe à la fonda-
tion du mouvement de l’UAM - l’Union des Artistes Mo-
dernes - dont les objectifs prônent un art plus social et
plus accessible. Par la suite, elle rejoint l’Association des
Ecrivains et des Artistes Révolutionnaires.
La Maison du Jeune Homme - 1935 1, 2 : « Charlotte Perriand, René Herbst, Louis Sognot – Maison du Jeune Homme,
Exposition universelle de Bruxelles, 1935 » Reconstitution 2019 avec la participation de
Cassina &Sice Previt ainsi que le conseil scientifique de Arthur Ruegg – Vue de l’installa-
tion, Fondation Louis Vuitton, Paris © F.L.C. / Adagp, Paris, 2019 ; © Adagp, Paris, 2019
Lors de l’Exposition Internationale de Bruxelles en 1935, © Fondation Louis Vuitton / Marc Domage
Charlotte Perriand contribue au projet collaboratif « la
Maison du Jeune Homme », avec René Herbst, Louis Sognot, Enfin, sur l’un des murs en ardoise de la pièce, sont tra-
Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Ce lieu est conçu au- cés à la craie les noms de chacun des créateurs ayant
tour d’une salle de sport et d’une salle d’étude, un filet participé au projet, avec leur appartenance à l’Union
sépare les deux salles pour éviter les lancers d’objets des Artistes Modernes et/ou aux Congrès Internatio-
d’une salle à l’autre. Une fresque de Fernand Léger à la naux d’Architecture Moderne, dans l’objectif de faire
gloire du sport surplombe la salle de culture physique. connaître ces deux mouvements d’artistes au grand public.
1
La Grande Misère de Paris
Lors du Salon des Arts Ménagers de 1936, l’enjeu pour
Charlotte Perriand, comme pour les autres participants,
porte sur l’agencement d’un espace réduit, de 3 mètres
sur 4, représentant une salle de séjour type pour une
habitation à loyer modéré.
Dans une autre pièce, Charlotte Perriand réalise un
grand photomontage, de près de 16 mètres de long - la
Grande Misère de Paris - qui dénonce les conditions de
vie, d’habitat et d’hygiène. Elle souffle sur la braise allu-
mée par le Front Populaire à l’époque et réaffirme, avec
cette réalisation, son engagement politico-intellectuel.
Du côté de la salle d’étude, des matériaux naturels ont Ce photomontage dénonce également le taux de chô-
été plébiscités pour le mobilier. Cette réalisation peut mage important qui entraîne la famine de nombre de
être considérée comme une réflexion autour de la sym- concitoyens. Elle s’intéresse aux problèmes d’insalubri-
bolique du corps et de l’esprit. Le fauteuil en paille de té dans la ville de Paris et met en cause l’absence de
Charlotte y est exposé pour la première fois. L’histoire toilettes dans la plupart des logements intermédiaires.
de sa conception est assez originale puisqu’elle en a Loin d’être innocente, cette œuvre avait vocation à
l’idée en passant devant la boutique d’un marchand faire réagir le visiteur. Charlotte cherchait de façon
de chaises de paille à Saint-Germain-des-Prés. À cette évidente à faire réagir aussi les pouvoirs publics sur la
époque, la paille est un matériau peu coûteux, cela en nécessité d’établir des plans d’urbanisme concrets.
faisait un meuble économique.
008