Page 27 - Invention Magazine 201 - Concours Lépine
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Buste de Ramsès II © DR
Léo Caillard observant son lanceur de disque. © Léo Caillard
On y trouve à titre d’exemple un lanceur de disque entou-
ré par des lignes de lumières LED parallèles les unes aux
autres. Pour autant les droites sont toutes déformées, car lement hipster, mais dans un habit de marbre.
elles suivent les courbes de l’athlète. Elles sont donc dans Les bustes déformés ressemblent à des aberra-
deux états différents, à la fois rectilignes et incurvées. tions ou des bugs, cependant, ils surviennent
De la même manière, cette lumière symbole de la modernité, dans le monde réel. La figure de Ramsès ou
d’une époque industrialisée vient embrasser une statue aux Héraclès ne sont pas si inattendues sous leurs
apparences antiques. Ces questions sont déjà posées par traits. Elles rappellent un mouvement que l’on
Salvador Dalí et l’ensemble de l’exposition est perceptible retrouve plus largement dans l’Art avec un re-
comme une conversation abstraite entre deux artistes dans tour aux œuvres antiques dans les industries
un espace physique. Le discobole, aussi désigné comme culturelles. Nicki Minaj ou Katy Perry se sont déjà
lanceur de disque, est une des figures les plus célèbres de prêtées à l’exercice en arborant des tenues inspi-
l’antiquité. On attribue sa paternité à Myron, sculpteur rées par l’Égypte Antique.
Athénien du V ème siècle avant J-C. Il est le créateur de nom-
breuses statues d’athlètes qui ont été utilisées par la suite Leo Caillard à travers ses œuvres se dirige vers la
pour la promotion des Jeux Olympiques. De manière géné- représentation d’une nouvelle société. Elle naî-
rale, son œuvre a grandement inspiré l’idée que l’on a au- trait depuis les cendres du modèle de croissance
jourd’hui de l’athlète antique. effréné du XX ème siècle. Pour qu’elle soit belle et
vectrice de sens, il pense qu’elle doit retourner à
Par le biais de l’usage de la répétition et de l’altération des racines gréco-romaines. Il se définit comme
d’œuvres ou figures connues par le visiteur, Léo Caillard membre du néoclassicisme et imagine un retour
redéfinit le réel. Le temps n’existe plus qu’en tant qu’idée et aux racines comme nécessaire à l’élévation d’un
Héraclès devient même un hipster de bronze ou Ramsès éga- monde meilleur.
L’exposition surprend et attire le
regard. Il est captivant d’observer ces
réminiscences classiques dans des ver-
sions altérées. Elles questionnent sur
notre époque moderne et notre rap-
port à la science. La physique quan-
tique, pourtant hermétique, est à l’ori-
gine de fantasmes. Le réel et l’abstrait
semblent se confondre parfaitement
et le côté austère de la pièce historique
est brisé par la dimension moderne
de l’abstrait. Avec des tenues d’au-
jourd’hui, les statues en mouvement
nous paraissent plus humaines. Elles
quittent leurs tenues d’Eve réservées
aux représentations divines, pour nous
présenter un récit du quotidien.
Buste d’Héraclès © DR
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