Page 8 - Invention Magazine 201 - Concours Lépine
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La Sagrada Família,
le projet actuel le plus ancien
La Sagrada Família est une des œuvres qui symbolise le Cette technique n’est pas nouvelle et
plus le style d’Antoni Gaudí. Elle prend place au cœur elle est déjà connue des Romains qui
de la ville. Elle est une célébration de la nature, de la ont su déceler son véritable poten-
vie et du Dieu auquel Gaudí a dédié sa vie. Ses formes tiel. Bien entendu des constructions
complexes défient toutes les règles de l’architecture en pierre existaient déjà avant. Les
conventionnelle. Ses travaux ont commencé en 1882 Grecs bien connus pour l’édification
sous la supervision de Francisco de Paula del Villar. Il du Parthénon utilisaient déjà ce maté-
doit se résigner à laisser sa place à un jeune architecte riau. Deux visions s’opposent, les Grecs
de 30 ans : Antoni Gaudí. Malgré sa jeunesse, il y voit réalisaient de grandes colonnes verti-
l’opportunité d’exprimer son art et se saisit du pro- cales rejointes par des linteaux, tandis
jet. Il transforme complètement la planification et y que les Romains utilisaient des arches
pose sa patte. Il fait une synthèse du style gothique et et des dômes. Ces derniers ont réalisé
de l’Art Nouveau. Il crée quelque chose de nouveau. des structures gigantesques comme les
Antoni Gaudí était un grand ingénieur et comprenait aqueducs ou bien encore le dôme du
comment ses différentes formes qu’il souhaitait im- Panthéon. Ces constructions sont en-
planter, impactaient l’intégrité de la structure globale. core debout aujourd’hui et sont une
Cet ouvrage n’est pas un combat contre la nature, source d’inspiration pour un grand
mais une véritable discussion. Il travaille avec elle en nombre d’ingénieurs et architectes.
se plaçant à son écoute. L’architecte a relié la science
et l’art en un point que peu de personnes avait atteint
avant lui. Saisir ces règles mathématiques, qui sont la
résultante des lois de la nature, sont une façon pour
l’artiste de célébrer Dieu.
On retrouve dans la Sagrada Família des colonnes imi-
tant des arbres et des squelettes, des arches rappelant
des cages thoraciques, des escaliers en spirale inspirés
de coquillages, des flèches représentant des cristaux
et des plafonds qui rivalisent avec les forêts pour leur
beauté naturelle. Leurs conceptions sont toutes enra-
cinées dans des phénomènes naturels mais pour qu’un
esprit humain puisse les recréer dans la pierre, il fallait
un véritable génie.
Le plus intrigant ou le plus fascinant est qu’Antoni
Gaudí ait pu imaginer cette façon de travailler la ma-
tière à une époque où l’analyse sur ordinateur n’exis-
tait pas. Le challenge de travailler avec la nature est
l’une des plus grandes forces de Gaudí.
Le matériau le plus utilisé dans l’édification du Temple
Expiatoire est la pierre Montjuïc. C’est un type de
grès. Ce type de roche est défini comme sableux. À
la manière de toutes les pierres, elle est plus solide
sous compression. Une pierre sous compression peut
supporter une pression extraordinaire. Inversement,
si une pierre est placée dans une position d’allonge-
ment, des imperfections apparaissent rapidement
sur la totalité de la pierre. Elle va craqueler et ses fis-
sures vont grossir pour que la structure se brise dans
la totalité. Pour réaliser des ouvrages en pierre, la
priorité est de la maintenir en pression constante.
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